Compte-rendu de l’atelier 2nd degré

Présents:

  • Alexandre Arnaud (FELCO, CREO Auvergne),
  • Marie-Christine Boivert (FELCO/CREO Tolosa),
  • Marc Bron (Association des Enseignants de Savoyard),
  • Lionel Cayrol (FELCO)
  • Cécile Chadeuil (FELCO/CREO Tolosa),
  • Estève Cros (OPLO – Ofici Public per la Lenga Occitana),
  • Yann-Pier Deredel (SNES/FSU académie de Rennes),
  • Laetitia Gros (FELCO/CREO Tolosa),
  • Patricia Laborie (SNES/FSU Bretagne)
  • Estèla Lame (FELCO/CREO Lengadòc),
  • Sarah Laurent (FELCO/AELOC),
  • Christian Madec (association Div Yezh Lannuon / Lannion),
  • Didier Maurell (FELCO/AELOC),
  • Mathieu Poitavin (FELCO/AELOC),
  • Marc Rollin (SNES FSU, responsable national langues étrangères et régionales),

NB pour les non enseignants

CECRL : Cadre européen commun de référence pour les langues (http://eduscol.education.fr/cid45678/cadre-europeen-commun-de-reference-Cadre européen commun de référence pour les langues .html)

CALR : conseil académique des langues régionales : voir texte officiel : http://www.education.gouv.fr/bo/2001/33/encarta.htm

I – Un bref état des lieux

Pour le breton : situation présentée par Yann Pier Deredel

Questionnaire aux collègues de Langues régionales sur la mise en place de la réforme du collège

  • Jusqu’alors, la réponse aux besoins pour la filière bilingue s’est faite au détriment de l’optionnel, la réforme du collège entraînera de nombreuses fermetures en optionnel à la rentrée 2017 avec la mise en place d’un pallier de 10 élèves en 5ème acté dans le cadre du contrat État-Région. 67 ETP (équivalents temps plein) en breton.
  • De nombreux collègues TZR (titulaires sur zone de remplacement), des collègues sur jusqu’à 4 établissements, et des distances importantes entre les établissements de service. Les collègues se voient de plus en plus confier des enseignement dans la deuxième valence (Yan Per Deredel évoque la situation d'un collègue auquel il a été demandé de travailler dans sa valence, ce qu'il n'avait pas fait depuis 30 ans). Des jeunes collègues n’en peuvent déjà plus, cf. l'article paru récemment dans Ouest France.
  • Il y a eu des changements de complément de service sans prévenir les collègues. Les EPI – enseignements pratiques interdisciplinaires ne sont pas intégrés dans les emplois du temps donc l'enseignement de LR n'est pas mis en place. Le cas d'heures de breton qui fonctionnent sur les heures d'AP (accompagnement personnalisé) est à signaler: le bricolage est de mise. La filière bilingue est en dotation supplémentaire. L’optionnel est dans la DGH donc c’est une catastrophe. Dans l’académie, le recteur prend la moitié pour le breton optionnel. Le reste est à la charge de l’établissement (dans le cadre de sa dotation globale :DGH).
  • Fin de la LV3 breton dans la plupart des lycées, il ne reste plus que 6 lycées qui la proposent. Il y a deux fois plus d’élèves en optionnel que d'élèves en bilingue mais l’optionnel chute à cause des fermetures. Le niveau de compétence en langue atteint en terminale est B2/C1. Il faut maintenir l'optionnel surtout là où le bilingue est proposé. S'il n'y a que la filière bilingue, il y a le risque d'un “entre- soi”. Certes, les élèves en option n'ont pas le niveau B2, mais c'est un potentiel. L’optionnel est nécessaire pour ne pas marginaliser les bilingues (considérés comme les “bretons”), sans compter que beaucoup d’enseignants proviennent de l'enseignement optionnel.
  • Les moyens pour l'enseignement optionnel : les heures sont fléchées hors DGH.

A partir de la 5ème, l'établissement doit fournir 1h sur les 2h d'enseignement, et le rectorat finance l'autre heure, selon les termes de la convention État Region. En lycée, les heures d'enseignement de l'option sont hors DGH et fléchées de la même façon. Or, les heures fléchées devraient disparaître à la rentrée prochaine, ce qui est de mauvaise augure pour l'enseignement optionnel.

  • Sur la construction des pôles bilingues :

ils sont partis à l’envers, des lycées et les écoles primaires qui alimentent ne correspondent pas forcément aux secteurs géogrAP (accompagnement personnalisé)hiques. Il y a donc un problème de transports scolaires d'où des déperditions d’élèves. C’est une construction bureaucratique des pôles bilingues. Souvent c’est HG/breton à 3h/3h pour bilingues jusqu’en Seconde car ensuite les séries dispatchent trop les élèves.

  • Les interventions syndicales en Bretagne

un conseil académique des langues régionales (CALR) 2nd degré est prévu pour janvier. Dans les CALR, travail en lien avec les groupes de travail (GT) qui préparent les implantations/suppressions de postes et d’options ou bilingues. Le premier CALR est organisé pour faire le bilan de la rentrée et annoncer les ouvertures ou fermetures éventuelles. Pour le gallo, comme il n’y a pas de concours, ça repose sur les compétences des collègues. Il y a aussi le comité technique académique (CTA) où l’intervention syndicale est possible.

Pour l'occitan :

Quand on a la force, ça va sinon c'est la catastrophe !

Des situations diverses dans les académies de l'espace occitan, et même à l'intérieur de ces académies :

  • Dans un collège de l’académie de Nice

un bloc de moyens provisoires (1 certain nombre d’heures dédiées, sans que cela corresponde à un poste complet) de 5h : plus personne ne veut venir.

  • Dans les académies de Bordeaux, Montpellier et de Toulouse,

Le rectorat finance la moitié du volume horaire d'enseignement optionnel d'occitan, l'autre moitié étant financée sur la DGH de chaque établissement concerné.

  • En occitan, le niveau C1 est souvent insuffisant.

Et les 2h par semaine ne suffisent plus pour des élèves qui n’ont plus le contexte sociolinguistique d’usage de la langue. Les cours relèvent alors de l’initiation. Le problème pour l’occitan, c’est qu’il n’y pas ou trop peu de filière bilingue au lycée. Les professeurs de langues régionales étaient là pour former des locuteurs, d’où la frustration plus grande que les collègues de langues vivantes étrangères dont les langues continueront d’exister, même si l’horaire ou le niveau diminue. Les 2h par semaine sont insuffisantes au collège pour motiver et trouver le vivier.

  • Dans l'académie d'Aix-Marseille

il n'y a pas de politique académique concernant l'enseignement de l'occitan. La situation est donc impossible pour les collègues. À GAP, l'occitan n'était proposé que le soir, les élèves se sont donc découragés. Cette année il n'y a plus d'enseignement optionnel dans aucun des trois collèges de la ville (ni dans le département des Hautes-Alpes, de fait). Le Recteur bataille depuis quelques semaines pour développer l'enseignement du catalan, il demande donc aux collègues d’occitan de promouvoir le catalan, alors même que certains ont perdu des heures et des établissements avec la réforme du collège ! Être séduisant ne suffit plus. CALR ne s'est tenu depuis 2 ans. Faudra-t-il envisager d'aller au Tribunal Administratif ?

  • Dans l'Académie de Clermont-Ferrand

la région Auvergne a signé une convention fin 2014 avec le Rectorat. Mais, depuis, le CALR n’a pas été réuni car la nouvelle région Auvergne Rhône Alpes n’envoie aucun représentant, empêchant de fait la création et la réunion du CALR.

  • Intervention du SNES

La réforme du collège est une attaque contre toutes les langues (exemple de l'allemand à Lyon). Néanmoins, celle-ci permet à nouveau pour un certifié d’aller en primaire.

Sur l’optionnel : attention à ne pas se tirer une balle dans le pied. C’est fondamental pour la survie de plusieurs LV dont les LR.

La réforme du collège ne prévoit plus que la validation du niveau A2 du cadre européen commun (CECRL) dans deux activités langagières sur cinq. On est donc loin d’un attendu de former des locuteurs.

II – Remarques diverses et pistes de travail à généraliser

Estèla Lame : ce qui nous inquiète c'est que si on n'a pas un appui solide de la transmission naturelle, c'est une source de grosse inquiétude et frustration. Pour l'anglais ce n'est pas grave, mais pour l'occitan si. À noter pourtant un point positif : nous avons des effectifs réduits donc la progression est plus rapide.

Didier Maurell : il est important de convoquer à un moment les parents pour qu'ils voient le travail fait.

Marie-Christine Boivert : c'est la fin de la diversité au niveau des langues : fin des bilangues et sections européennes mais création d'un projet pilote “mixité sociale" à Castres. Castres est pilote pour un projet bilangue anglais-arabe, projets différents d'un secteur à l'autre dans l'avenir.

Mathieu Poitavin : on peut se démener avec les parents mais on est soumis à l’arbitraire. Être séduisant ou transpirer ne suffira plus!

Marc Rollin (SNES) : c'est l'utilitarisme qui est une valeur globale de la société. Ne soyons pas angéliques. "Employabilité" est un mot employé à chaque ligne. Maintenant l'enjeu est sur les nouveaux programmes. La réforme du collège nous a mis en concurrence avec les autres langues vivantes. Mais il n'y a pas de débat sur la carte des langues. Il faut une politique nationale déclinée sans entorses au niveau local. Ce n'est pas le cas. L'exemple d'Alexandre Arnaud au Puy en Velay est caractéristique. Le rapport de forces en effet n'est pas le même partout, entre les différentes régions

Christian Madec : Que l’on parle des établissements, du  niveau académique ou national de l’Education nationale, le dialogue syndicats-parents-direction est capital et constitue un élément du rapport de force quand il s’agit de développer une langue régionale. Par ailleurs, même si la seule initiation aux langues régionales est insatisfaisante, elle est intéressante, car elle peut concerner beaucoup d’élèves et apporter une connaissance du terroir (cf. histoire et géographie), une ouverture, une envie ultérieure d’approfondir la langue, etc.

Je voudrais aussi souligner 2 points, qui me paraissent importants : d’abord, quand il y a tant de demandeurs d’emploi dans notre pays, même si le but premier de la formation générale est de former des citoyens dotés de connaissances et d’esprit critique, on ne peut ignorer la préparation à l’emploi, c’est-à-dire l’employabilité (non pas immédiate, mais à moyen ou long terme) ; de plus, l’Education nationale ne peut pas traiter de la même façon des langues régionales menacées de disparition et des langues étrangères (comme l’anglais, l’espagnol, l’allemand…) : l’Etat n’ayant pas assumé ses missions pour les langues régionales, il est normal, et même vital, que des collectivités territoriales soient venues à la rescousse. Cela n’empêche pas naturellement de continuer à se battre pour que l’Etat assume ses missions de façon équitable d’une région à une autre.                        

Didier Maurell signale un problème assez récurrent : le professeur n'a pas forcément un emploi du temps prêt au moment de la rentrée et doit se débrouiller pour avoir des élèves et caler ses heures

Matthieu Poitavin : En Provence, cela fait 2 ans que le Conseil Académique n'a pas été convoqué même si le recteur a déclaré y être très favorable. Un intervenant : Vous pouvez faire comme il a été fait en limousin : saisir le tribunal administratif. Cela a servi en Limousin où le recteur a compris qu'il y avait bien un sujet occitan.

Remarque MJ Verny au moment de la mise en forme du compte rendu : pas sûre que le dossier “limousin” soit réglé, même si on peut désormais compter sur l’implication de l’Office Public de la Langue Occitane.

Marc Bron : pour le Savoyard. En collège, 3h de mise à disposition pour organiser l'enseignement dans l'académie de Grenoble. Le CALR est relativement lourd à organiser. Le recteur organise donc un groupe de travail réuni par l'IPR une à 2 fois par an. L'occitan vient aussi. Les élèves peuvent apprendre le savoyard mais pas passer l'option au bac! Ils cochent "occitan" et sont convoqués à Montélimar. En janvier 2016, une convention a été signée. Pour le maintien des options, c'est le conseil d'Administration qui peut décider de supprimer l'option. J'ai donc contacté l'Inspecteur pour sauver l'option, ce qui a fonctionné. Il est nécessaire de jouer sur tous les niveaux, du Conseil d'Administration jusqu'au rectorat.

Marc Rollin – SNES : La configuration anglais + espagnol n’est pas seulement une volonté politique : c’est aussi une vision utilitariste de la société (idée de langues qui servent) donc c’est une vision de l’apprentissage des LV qui doit être débattue. Ainsi, dans de nombreux rapports de la Commission Européenne sur le plurilinguisme, c’est l’employablité qui est visée.

C’est pourquoi le SNES s’est battu pour un retour à la culture et à la comparaison des LV dans les nouveaux programmes. Le rapport de force, notamment syndical, est fondamental, sauf que le rapport de forces n’est pas en faveur des salariés en ce moment (cf. loi Travail).

La bataille sur les LR doit donc être menée avec les autres Langues Vivantes et disciplines pour ne pas tomber dans le piège de la concurrence généralisée entre matières.

L’Etat doit promouvoir une politique nationale déclinée par académie : cf. débat sur la carte des LVER.

Le pb de l’EPI “Langues et cultures régionales”, c’est que l’étude de la langue n’est pas obligatoire. Il faut donc combattre collectivement cette inter-disciplinarité qui n’en est pas une.