Photo Georges Souche : Marc Rollin au micro.
À son côté, Florence Denjean-Daga,
responsable académique
SNES / FSU Montpellier
Invité au 30ème colloque FLAREP, j'avais préparé l'intervention qui suit. Comme je suis finalement intervenu dans une table ronde où figuraient également des élu-es et d'autres responsables syndicaux, mes propos ont donc été répartis dans plusieurs interventions en réponse aux questions posées. De manière synthétique, voici ce que j’ai développé.
L'éducation nationale reconnaît officiellement 11 langues ou groupes de langues mais la réalité des chiffres reflète un état des lieux affligeant. Je ne citerai que deux chiffres, tirés du site du Ministère :
-
à la rentrée 2015, seuls 1337 élèves étudiaient une langue régionale dans le second degré.
-
au CAPES 2016 sont offerts
– 1 poste en corse,
– 3 en basque,
– 4 en breton,
– 3 en catalan,
– 6 en créole,
– 6 en occitan
– et 1 en tahitien
soit 24 postes pour 7 langues.
-
Pourtant, la loi Peillon de juillet 2013 reconnaissait l’importance des langues régionales dans l’enseignement. Trois ans après, on ne peut que constater que des disparités persistent d’une langue à l’autre, d’une académie à l’autre. Par exemple, plusieurs professeurs de créole n’enseignent pas le créole ; les horaires de breton optionnel ne sont pas toujours respectés ; les conseils académiques des langues régionales ne sont pas toujours réunis par les recteurs, certaines langues n'ont toujours pas de CAPES, etc.
-
Pourtant, le rôle du service public d’éducation est prépondérant pour la transmission et la sauvegarde des langues régionales.
Quand les collègues sont en poste, leurs conditions de travail sont rendues difficiles pour diverses raisons.
-
Soit ils sont confrontés à l'hostilité de certains chefs d'établissement, soit ils ne parviennent pas à faire respecter les horaires disciplinaires,
-
soit ils sont en service sur plusieurs établissements,
-
soit tout à la fois.
Bref, ces conditions ne contribuent pas à un développement de l'enseignement et souvent des ruptures sont opérées dans le cursus scolaire, entre le premier et le second degrés.
La réforme du collège, mise en place en cette rentrée, n’améliore pas les choses en reléguant les langues régionales à un EPI (enseignement pratique interdisciplinaire), intitulé « Langues et cultures régionales » dont le contenu est fixé en fonction des rapports de force locaux, ou à un enseignement de complément, réduit à 1 h en 5ème, 2 h en 4ème, et 2h en 3ème.
Autrement dit, l’Éducation nationale se soucie peu de la diversité linguistique et de la diversification des parcours des élèves, comme l’a également montré la circulaire du 20 octobre 2015 sur la carte des langues puisque celle-ci renvoie la responsabilité du développement de telle ou telle langue aux académies donc aux décisions du Recteur et ne prévoit aucune dotation spécifique pour les langues régionales. Pourtant, l’État devrait se porter garant du plurilinguisme et faire en sorte que les politiques académiques déclinent une politique nationale.
Or, depuis des années, l’État n’a de cesse de renvoyer au niveau local la responsabilité des politiques linguistiques.
-
Tout d’abord, en 2005, la loi Fillon sur l’École a mis en place des conventions État-Régions et, comme nous le craignions à l’époque, cela a parfois contribué au désengagement de l’État et des inégalités entre régions. En effet, là où les collectivités territoriales s’investissent (Bretagne, Pays Basque, Corse…), il est possible de peser pour obtenir des ouvertures et combattre des fermetures et des politiques linguistiques sont définies avec des objectifs pour l’École mais aussi pour la culture, la création, la petite enfance, l’audiovisuel, la toponymie, etc. Les mêmes et d’autres créent des Offices Publics qui peuvent réaliser des études et analyses que les Rectorats et les DSDEN (ex IA) ne font pas. Dans d’autres collectivités, presque rien n’existe.
-
Ensuite, la loi NOTRe de 2015, qui renforce considérablement le pouvoir des régions, risque de conduire à coller la carte des académies à celles des régions, et donc ne peut que susciter des interrogations sur le sort qui pourrait être fait aux langues régionales dans l'enseignement public dans ces conditions. Par ailleurs, il ne faudrait pas qu’elle conduise à renvoyer les langues régionales uniquement dans le cadre de l’enseignement privé.
-
Enfin, l’amendement 2146 qui a complété l'article L212.8 du Code de l’Éducation et qui était destiné à faciliter l’inscription des enfants dans les classes bilingues d’une école publique, n’a pas toujours suffi : on sait que certains parents se sont vus opposer un refus d’inscription au motif que la commune où ils habitent refuse de participer aux frais de scolarité. Là encore, il aurait fallu une formule plus tranchée, rendant obligatoire la participation financière de la commune de résidence, même s’il faut avoir conscience que cet amendement peut aussi être une opportunité offerte au privé.
Autrement dit, pour le SNES-FSU, si on n’est pas opposé à un partage des compétences entre l’État et les régions, l’État doit rester maître d’œuvre en matière de recrutement, de formation initiale et continue, de gestion des enseignants (affectation, carrières) ainsi que des programmes, même si cela ne règle pas tous les problèmes.
Et l’État doit cesser d’être passéiste car, pendant qu’il attend, les forces régionalistes passent à l’action, en essayant, ici ou là, de faire passer des amendements qui permettraient la constitution d’un service public régional de langues régionales ou annoncent la création d’établissements privés.